Bien qu'aujourd'hui encore en cryostase,le webzinegrrrndzero est toujours là. Il reprend des forces et pourra bientôt battre la campagne comme un fier animal béat courant après ses nouvelles passions éphémères.
La sectionimagerierassemble principalement les vidéos de concert de concerts passés. Le plan est de développer un peu cette zone. Qui sait la webdoc-fiction-témoignage-interactif-big-data sur la vie quotidienne de Grrrnd Zero « Tout pour La Cause rien pour les Autres - saison 1 : Crust beer et lingerie fine » sortira peut-être un jour. Et pourquoi pas un live stream de nos sessions cuisine ou du chantier ?
On va essayer de rassembler des liens à la cool dans cette section là aussi. Des sites qu'on aime bien, des projets qu'on jalouse, des trucs à lire à notre place, des images rigolades, ce genre de choses là.
Lesarchives chaossont les archives de TOUT le site depuis les début de gz, par ordre de publication. Quelques trucs se sont peut-être perdus entre les différentes version du web, mais sinon on archive méthodiquement et tu peux tout explorer.
A grrrnd zero, on aime énormément Lightning Bolt. Ces super héros de la noise nous avaient fait l'honneur de nous éclater les tympans le soir du premier vrai concert du squat rue clement marot. Alors quand l'un des deux membres sort un album avec un de ses projets obscurs, autant vous dire que cela nous excite autant que la fraîche formation d'un groupe mystérieux composé d'andrew dymond et steph.
Black Pus, c'est le projet solo de Brian Chippendale : le batteur proto post-humain des lightning bolt, mais aussi de Mindflayer, autre duo noisy de Providence (Rhode Island US). Et quand ce garçon au doux nom de relent de boys-band 90's ne dessine pas des ninjas ou ne s'amuse pas avec 76 autres drummers-heroes de l'indie sous un pont à Brooklyn orchestré par les japonais de Boredoms, et bien il nous revient, tel le nemesis de resident evil, pour la plus grande frayeur de ton ORL et de ta psychanalyste, sur ton ampli ou sur les enceintes 2Watts de ton écran d'ordi.
Les trois premiers opus de Black Pus sont en libre telechargement (quand le site réouvrira ses portes car là il est temporairement fermé, donc je vous conseille fortement de lancer slsk pour récupérer tout ça). A l'instar de ses autres projets, on y affronte une nouvelle fois un mur du son, des structures entêtantes de batterie jouées par un junkie ultra-speedé aussi endurant qu'une pile duracell; le tout servi sur un subtil coulis de bruits et de hurlements électrifiés.
En 2008, Black Pus sort donc sur le très goûtu Diarreah Records son 4ème volet : All aboard the magic pus, qui après plusieurs écoutes assidues au casque se révèle plus accessible que ses prédécesseurs. On quitte le domaine de l'impro débridée Avec Body on the tide, 8ème et dernier titre de l'album on croirais même entendre un chanteur indie classique, dont la basse et le chant seraient à peine sur-saturés. Pourtant tout commence avec Dream on, qui nous plonge dans une ouverture où brian testerait la resonance de ses fûts sur des rythmes caverneux. Puis arrive Land of the lost et My house is a mouse avec leur riffs et leur refrains très catchy, qui s'inscrivent directement en brute force sur ta mémoire neuronique. Le LP s'enfonce ensuite avec Juggernaut et Kharma Burn dans une battle homme/batterie sauvage, puissante et cyber-punk. Pour remonter enfin à la surface avec un The Wise Toad suivi d'un Pagan 4 President envoutants et libérateurs.
High places est un duo dont on ne sait pas grand chose, à part qu'ils viennent de brooklyn, aiment la folk primitive, existent depuis pas trop longtemps, ne sont pas en couple mais juste « les meilleurs potes », et que la fille dégage un charme timide qui doit retenir l'attention de nombreux spectateurs, qu'ils aiment ou non leur musique. A tous les coups, ils sont vegan.
En tout cas, ils sont résumables musicalement par une addition qui ressemble au fly d'un concert aussi impossible que génial :
Martin Denny (« inventeur de l'exotica », un truc qui se joue avec des marimbas ou je ne sais trop quoi ; le tout déployé au bord de la piscine d'un hotel hawaïen ou l'on consomme des cocktails extravagants. RIP depuis 2005)
Animal Collective poursuit sa quête de productivisme effréné (studio/tournée/studio/album solo/pause d'un mois/tournée/studio). Dernier truc à télécharger en date, le maxi "Water Curses".
Seul le morceau qui donne son nom au disque mérite d'être écouté mille fois. Le reste (trois machins jugés indignes d'apparaître sur Strawberry Jam) oscille entre l'insignifiant et le profondément ennuyeux.
Après la période chaos bruitiste (danse manatee, here comes the indian), après les folles et magiques excursions acoustiques entre le scoutisme et la toxicomanie (campfire songs, sung tongs), après le virage pop (Feels, Strawberry Jam), voilà la nouvelle étape : la compagnie créolisation d'animalcollective.
Si vous pensiez qu'ils avaient déjà franchi l'infranchissable avec Brother Sport (open up your, open up open up your...), le retour au réel risque d'être pénible. Dans Watercurses, il n'y a plus que des samplers et des voix lisses, chantées avec application, dépourvues du moindre hurlement. La composition en elle même reste bien évidemment parfaite, avec ses ruptures et ses lignes de chant toujours aussi improbables. La production, elle, risque tout bonnement d'épouvanter les Intégristes. Et d'encourager de gros coming out afro beat pour les autres (genre "et ouais les mecs, le zouk n'était pas qu'un feu de paille").
Dans le doute, on préfère se dire que le groupe responsable d'une chanson comme native belle ne peut pas avoir vraiment tort.
On imagine bien le clip : dave qui sautille en pensant à sa kristin, déguisé en petit singe, panda qui fait du surf en éructant quelques mantras bien sentis, et geologist qui tape sur des noix de coco, portant un médaillon à l'effigie de Philippe Lavil. Le tout en incrustation sur des motifs psychédéliques abstraits, à l'image de certains tshirt apparus en tournée :
Que ce soit clair, on adore ce morceau. Il rappelle un peu Tikwid (une valeur sûre, donc) dans la construction et la mélodie. On regrette juste la production des voix, trop propre, qui leur vaudra sans doute de nombreux mdr/lol sur les forums de nerds psychorigides.
Le prochain album est déjà enregistré, on ne s'inquiète pas, il saura prodiguer excitation béate et joie primitive.
Mais une division inévitable va apparaître. Des petits groupes de gens qu'on connait, avec qui on partage des kinder bueno, papote sans fin sur gmail, fume des clopes, voire habite, vont se réunir et s'entendre sur le fait qu'Ac a trahi. Ils jugeront avec sérieux et élégance que le groupe ne pourra plus jamais égaler Sung Tongs, album contenant au moins deux de leur cinq meilleures chansons.
A l'opposé, on trouve des optimistes un peu débiles, gouvernés par leur émotivité, portés par la certitude intime que les membres d'AC sont des chiens fous indomptables dont nous devons autant respecter les vêtements que les choix esthétiques. Depuis presque toujours, ils errent, sans avoir jamais l'air de trop penser aux albums précédents.
BREF.
Mais on s'interroge, normal, sur leur capacité à écrire des morceaux aussi poignants que winters love, slippi, banshee beat ou cuckoo. Les AC sont HEUREUX (baraque au Portugal / belle famille en Islande / boulot pépère au milieu des espadons et des truites) et nous le font savoir (grâce à des mots comme "joy" ou "open"). Alors oui, c'est beau d'être gai et positif (paul mc cartney est comme ça depuis 66 ans), mais leur Dark Side nous manque. Peut être que la rédemption passera par le retour très attendu de Josh (guitariste dépressif blond, absent depuis la fin de l'enregistrement de Strawberry Jam).
Une énigme demeure : comment ces hippies crusts hirsutes au look de scientologues new age, qui il y a encore quelques années sortaient de leur lycée expérimental de Baltimore pour aller courir dans les bois en avalant des champignons, sont devenus des types parfaits, beaux, mariés, QUI SE LAVENT LES CHEVEUX ?
TROUVERAS TU TOI AUSSI L'EQUILIBRE DANS UNE SOCIETE QUI NE VEUT PEUT-ETRE PAS DE TOI ???
Fuck Buttons est un duo claviers/machines originaire de Bristol, la ville qui explorait avec plus ou moins d'inspiration et de codéine les notions de ralenti et de mou dans les années 90 (flying saucer attack, portishead, tricky...).
Jusqu'à très récemment, leur nom n'évoquait quelque chose qu'à une poignée de talibans du bruit. Depuis, ils ont sorti leur premier album, street horrrsing, et toute laplanète indie (terme borderline qui ne veut plus trop rien dire, puisqu'évoquant autant "le dernier bjork" que le prochain black pus) s'emballe.
Mais comment être un groupe drone-noise-psychédélique et devenir une sensation hype majeure en quelques mois ?
La réponse en quatre points :
a) un dossier marketing solide (la division label du festival Atp prend en charge le disque, s'en suit un plan média imparable : pitchfork, libé, inrocks, stereogum, tout le monde pond son article).
b) savoir s'entourer (tournées avec Battles et Liars, John Cummings de Mogwai enregistre l'album, Bob Weston de Shellac le masterise)
c) être très doué.
d) injecter une forte dose de pop au coeur de la déferlante bruitiste. Ces jeunes gens ont une approche émo, physique et extrêmement directe de la musique de snob.
mélodies naïves + distorsion + nappes de synthé + rythmiques répétitives + hurlements jetés dans un micro fisher price = un truc assez excitant.
C'est parfois un peu facile, un peu vain (Ribs out, décalcomanie de black dice/liars, ou leur très limite bien que séduisant morceau dancefloor Bright Tomorrow ). On n'arrive pas trop à déterminer si ils sont innocents ou putassiers, si l'année prochaine ils joueront dans des squats de crust vegans ou dans des clubs remplis d'abrutis cocaïnés, amers et compétitifs.
on se dit que Fuck buttons est la version post apocalyptique de My Bloody Valentine. Genre on est à la plage avec notre ami loïc, on n'a pas dormi depuis trente heures, on fume notre soixante douzième cigarette, le jour se lève, tout est douceur et apaisement, puis sans prévenir le soleil explose et l'univers entier se consume.
Un soir, en nettoyant le répertoire d'arrivée de mes mp3, je tombe sur un disque d'Okay, Huggable Dust.
Il est cinq heures du matin, je suis en train d'écrire à des êtres cupides tout en avalant des chips au goût étonnant (steak fumé), je suis donc un peu distrait quand je déplace l'album dans Winamp. Entre deux mails laborieux, la musique commence pourtant à s'insinuer dans mes neurones : « Ah, encore un mec qui écrit des morceaux folk/pop mignons et tristes ». Je continue à taper sur le clavier, mais une ligne de synthé à la Grandaddy détourne mon attention. Tiens, il chante comme un canard à l'agonie qui aurait le nez bouché. Ca rappelle un peu Daniel Johnston niveau timbre, mélodies et noirceur des textes. Mais si la voix est sèche et abimée, la production est toute propre toute polie, rien de lo-fi là dedans : un son clair, des arrangements minutieux, des cuivres, un piano, des petits machins électroniques... Oula mais c'est pas mal en fait. Là, je ne travaille plus du tout, j'enlève même les traces de gras sur mes doigts.
Mais qui est ce type ? Mon copain google va m'apporter quelques éléments de réponse. Okay est le projet solo de Marty Anderson. Je récolte ensuite un peu d'info brute (Huggable Dust sortira au printemps 2008), puis apprend que monsieur Anderson a des aspirations esthétiques variées (il poste des dizaines de dessins torturés sur son myspace, celui qui illustre ce post est de lui) et que sa vie personnelle n'a pas l'air très enviable (désastre affectif, maladie grave et honteuse l'empêchant de faire des tournées conséquentes).
Là j'avais écris un truc mais en fait c'était n'importe quoi donc je l'enlève.
En soi, un nom pareil pourrait évoquer une kyrielle de choses abominables qu'on n'aurait pas la patience d'énumérer, mais ce serait sans compter sur le tempérament débonnaire de ce trio brooklynite.
***GENESE***
Au commencement, Courtney Shanks rencontra le batteur Miggy Littleton, vétéran de formations indie-folk-rock comme Ida, White Magic ou The Shit. Il vendait des cartons de disques au coin de sa rue:
I actually met Courtney when she dug through my crates and picked out the best shit, and I said to myself, "Who is this cool girl with great taste in music?" Within a few months she was one of my best friends.
C'est beau. D'autant que Courtney possèdait un frère, Brad, qui possèdait lui-même une grosse guitare, de grosses chemises de bûcheron et une grosse barbe rousse; Brad rejoignit finalement Littleton et sa bassiste de sœur pour écluser des bières et former BOTW.
Certains les ont nonchalamment catalogués dans le stoner rock, alors qu'il est quand même plus évident de faire le zouave sur du BOTW que sur du Kyuss. Thurston Moore, Kim Deal, Frank Black et Kim Gordon eussent-ils d'ailleurs folâtréensemble, cela aurait à peu près donné BOTW, la filiation avec Sonic Youth – période Goo/Dirty -- et les Pixies étant une réalité axiomatique pour quiconque leur a déjà prêté l'oreille. En 2003, ils sortent un premier album éponyme aux lettres bleues qui ondulent sur un fond noir et, en 2005, ils sortent Awesomer (chez The Social Registry/Fat Cat, avec le producteur de Fiery Furnaces, Black Dice, Silver Jews) aux lettres multicolores qui ondulent sur un fond blanc.
Cette intense recherche graphique est assez analogue à leur quête d'innovation d'un album à l'autre – soit pas grand-chose, en fait. Mais d'autres détails viennent donner de l'étoffe à BOTW, telles les analyses de leurs canettes qui ont par exemple révélé des résidus de Pavement, My Bloody Valentine ou Dinosaur Jr.
Aussi, dans la catégorie sosies vocaux, la famille Shanks s'en sort plutôt bien : le timbre de Courtney fait immanquablement penser à celui de Kim Gordon, une once de lasciveté en plus, voire un détachement complet des réalités terrestres ; la voix de son imposant frère rappelle ces moments où Frank Black simulait l'aliénation du chihuahua. Ou, pour citer une auditrice éclairée, elle donne un aperçu de ce que serait « Daniel Johnston à cours de sédatifs ». Leurs chansons balayent les trois quarts du spectre émotionnel d'un humain à peu près sain – envie d'exulter, de mordre, de pleurer. Elles sont donc comme les barres Grany : elles peuvent nous accompagner partout.
En janvier dernier ils ont sorti Liferz, que certains, submergés par leur propre enthousiasme, ont qualifié de « fckn awesome, dude ». D'autres, ankylosés dans leur stoïcisme, diront qu'encore en fois BOTW ressasse ce qui se faisait déjà quand le Mur de Berlin s'effonfrait. Disons que Liferz est bien moins hardi et écorché que les précédents, comme s'il cherchait à s'adapter à des fréquences FM qui de toute façon l'ignoreront.
Ils ont un myspace un peu crado. Ils ont aussi un blogspot où Brad Shanks n'a publié qu'un article, rapide, franc et jouissif. Un peu comme eux.
Venetian Snares = breakcore master ? Pour sûr… bien que très réducteur. Si le King du joyeux drill nous a, effectivement, fourni parmi les plus beaux corpus en matière de sauvagerie et de frénésie rythmique, la subtilité de son écriture, tant mélodique qu’harmonique n’a jamais relevé du secret et des plages comme ce Vida (extrait de Huge Chrome Cylinder, 2004) ne sont qu’un exemple merveilleux de ses aptitudes dans le registre de l’élégance et du raffinement…
Lorsque j’étais au Conservatoire (et oui, ça arrive…), quelques saisons de ma vie ont été occupées à me droguer littéralement et exclusivement… à de la musique dite classique, et les deux seuls artistes appartenant à la galaxie “musique de jeunes”, trouvant grâce à mes yeux n’étaient autres qu’Aphex Twin… et Venetian Snares.
Je dois dire que mes intuitions de l’époque, une fois révolue cette période de séquestration culturelle et d’hermétisme musical, se sont précisément vérifiées grâce à l’album au nom imprononçable (Rossz Csillag Allat Szuletett) pour qui n’est pas familier du Hongrois ancien.
Sur ce manifeste, un Aaron Funk (c’est son vrai nom) mâture nous dévoilait enfin certaines clés utiles pour comprendre l’architecture souvent singulière de ses œuvres passées. Je touchais alors du doigt pourquoi, inconsciemment par le passé, il m’arrivait d’écouter un quatuor de Béla Bartok avec la même attention que certains joyaux signés par notre fiévreux Canadien. Rencontre d'univers différents (la musique classique, le folklore hongrois et l’électro-break extrême), Rossz Csillag n’en demeure pas moins une réussite syncrétique et un acte d’une portée émotionnelle inouïe à mon sens (à noter que Venetian Snares avait même appris à jouer du violon et de la trompette pour composer ce disque).
Non sans intercaler quelques Eps et Lps épileptiques dédiés à son auditoire breakcoreux, Venetian ne s’arrêtait pas en si bon chemin, nous livrant en 2007 My Downfall la suite orgasmique à ce premier essai… à l’image de ce morceau :
Là où dans Rossz Csillag, les beat et sonorités électros enrobaient le propos comme pour le légitimer auprès des fans (qui n’auraient peut-être pas bien négocié le virage autrement…), ces “subterfuges technologiques” n’interviennent qu’avec parcimonie et s’avèrent même totalement absents sur la majorité des titres. La richesse rythmique est toujours présente… pas les beats :
Venetian Snares – Hollo Utca_2.mp3
Venetian Snares – Hollo Utca_3.mp3
Crise mystique ou élan dronesque, Venetian s’applique à nous immerger dans une cathédrale sonore avec ce Colorless que n’aurait pas renié Stockhausen (enfin j’espère…) :
N’allez pas vous imaginer pour autant que sa venue à Lyon mobilisera quelques jeunesses locales vouées à la dévotion car en concert, c’est de bois bandé (et d’alcool fort) que se chauffe Venetian Snares : du break du break du break !
Adorateurs d’expérimentations iconoclastes, nihilistes bon chic et néo-gnostiques branchés en tous genres, rappelez vous qu’à la fin des années 70, une bande de freaks londoniens armés de magnétos, synthés analogiques, guitares, basse mais aussi violon et divers cuivres faisaient (déjà) ça :
Ils s’appelaient Throbbing Gristle, leurs concerts mêlaient musique et performance (projection d'images insoutenables, pornographie, uniformes et insignes nazis…), ils avaient plein de théories sur tout, leurs premières K7 audio s'intitulaient “The best of Throbbing Gristle…” et ils étaient capables de ça aussi :
Ils sont les précurseurs (parfois bien avant l’heure) de pas mal de genres musicaux (indus, post punk, cold wave, techno minimale, drone…).
Leur chanteur, Genesis P-Orridge (véritable Pape de l’industriel et philosophe tous azimuts) explique qu’au départ, son projet était de “présenter des sons complexes et non-divertissants dans une situation de culture populaire, afin de convaincre et de convertir. Nous voulions réinvestir la musique rock avec un contenu, une motivation et un risque.” Contrer l’emprise des “mass-medias” sur les individus, lutter contre toute forme de contrôle exercé par une société mercantile et dominée par le star-system en usant, précisément, de ces mêmes moyens de diffusion… tout en restant dans une démarche underground (et oui, difficile de ne pas tomber dans la contradiction). Je n’irai pas jusqu’à détailler tous les préceptes véhiculés par P-Orridge, une simple recherche google vous renseignera copieusement sur la question.
Le groupe splitte en 1981 - Genesis P-Orridge explique : “nous avons quitté un milieu envahi par des idées et des gens malsains, parce que ces gens ont choisi de ne pas comprendre ce que nous disions. C’est devenu une surenchère de provocation” - mais signe une paire d’années plus tard chez mute records À TITRE POSTHUME (!), puis se reforme en 2004. Entre temps, l’aspect physique de Genesis P-Orridge s’est progressivement modifié : une série d’opérations chirurgicales (implants mammaires, lèvres siliconées…) dans le but de gommer les différences entre sa femme et lui et d’aboutir à un genre de pandrogénie (tentative de sexualité "infinie", dépassant les genres sexuels) l’ont progressivement transformé en une créature-hybride, défiant les codes esthétiques communément acceptés.
Voici un extrait d’une interview filmée au travers duquel P.Orridge s’exprime à ce propos.
Leur site internet indique que le groupe (ce qu’il en reste) se produira fin mai au Primavera (Barcelone) et début juin à Paris (Villette Sonique)… mais c’est pas sûr encore.
En l’an 2000, Jamie Lidell est jeune, il signe chez Warp records et publie un premier essai instrumental et virtuose (Muddlin’Gear), à classer dans la catégorie électro pour public averti.
Cinq ans plus tard, ce londonien dévoile, contre toute attente, un organe hors du commun… le Grand Créateur l’a, en effet, doté d’une des voix les plus admirables depuis… allez soyons fous : Otis Redding et Marvin Gaye ! Tout, dans ses inflexions jusque dans sa façon miraculeuse de faire swinguer les lyrics “gospel” contraste avec la pâleur de son teint d’Anglais moyen. Avec l’album Multiply, paru en 2005, Lidell surprend, donc, en abordant un sévère virage soul-funk vintage : un exemple magnifique à mon sens, de savant dosage entre soul-pop acoustique et click’n’cuts électroniques (savant et populaire à la fois). Ses performances scéniques, quant à elles, forcent le respect, Jamie s’improvisant (dans tous les sens du terme) un homme-orchestre “tout à la bouche” à la fois expérimental et spectaculaire.
Loin de suivre la tendance actuelle, le Lidell 2008 s’engouffre dans la voie de la décroissance technologique avec un dernier album (prévu pour avril 2008) rétrograde et néanmoins vertueux : un album acoustique (à peine quelques effets et il faut attendre la plage 6 pour voir apparaître les premiers sons analogiques), à contre-courant des productions du moment, où le “producteur” d’antan accède au statut d’“arrangeur”… et c’est même pas ringard ! Lidell n’y invente rien, rend hommage aux parrains du rythm’n’blues tout en parsemant l’édifice de trouvailles personnelles pour un résultat jubilatoire (désolé, ça fait un peu Télérama ce mot, mais en réalité c’est celui qui convient le mieux…). Après plusieurs écoutes, je crois que je préfère quand même l’album précédent (je suis vraiment un accro à ses blips et breaks insolites) ce qui n’enlève rien à Jim (c’est comme ça qu’il s’appelle le dernier). On ne va pas vous inciter à aller le voler sur soulseek, déjà plus à la Fnac (mais c’est un peu risqué et il sort qu’en avril). Écoutez ça en attendant :
En mai 2008, il est urgent de se questionner sur les fondements de nos institutions politiques et ce notamment pour deux raisons : 40 ans après mai 68 il faut comprendre pourquoi le sarkozysme refuse son héritage ; un an après l’investiture de Sarkozy il faut comprendre pourquoi on le hait, pourquoi la plupart des Français ont changé de point de vue, pourquoi ceux-là, les mécontents, ne voient plus en lui leur père, leur guide, leur protecteur ! Tout d’abord, pourquoi Sarkozy veut-il liquider l’héritage de mai 68 ? Il prétend que 68 est responsable de « l'idée que tout se vaut, qu'il n'y a donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, aucune différence entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid. » Ces vilains gauchos « ont cherché à faire croire que l'élève valait le maître [...], que la victime comptait moins que le délinquant. »
Mai 68 c’est la fin des valeurs et de la hiérarchie pour Sarkozy, l’impossibilité donc pour lui de s’imposer comme guide ! Pourtant, je ne vois là que mauvaise foi. Mr Sarkozy a profité de l’héritage de mai 68 et ce qu’il lui reproche avant tout, c’est bien plus l’idée d’intérêt commun, l’idée de politique, l’idée d’intérêt général. Mai 68, c’est plusieurs choses, c’est l’idée de rassemblement, de « on combat tous ensemble, tous unis, mais tous en vue de soi » ; ça Sarkozy le refuse ; mais c’est aussi la révolution sexuelle, le renforcement du matérialisme (qui dit révolution sexuelle dit allez les filles on écarte les jambes), c’est aussi paradoxalement la montée de l’individualisme (on a tous droit au bonheur, on a tous droit de consommer), c’est aussi la haine des valeurs morales et donc la haine de la charité, c’est la légitimation accrue de l’idée de plaisir ; or qu’a proposé Mr Sarkozy en parlant de pouvoir d’achat, si ce n’est la satisfaction des besoins les plus individualistes et les plus hédonistes auxquels les hommes sont soumis ?
Ce qui effraie le sarkozysme dans Mai 68 c’est la politisation de la masse, c’est tout ; l’héritage de Mai 68, il en a profité jusqu’au bout, et c’est pour mieux cacher ce qu’il veut et d’où il vient que notre bien aimé président dégaine contre un fait qui n’est qu’historique, que passé ! Sarkozy a usé de l’individualisme des Français et a prétendu que c’était là une politisation des Français ; la politique c’est la réflexion sur l’intérêt commun ; voter pour Sarkozy, c’était rêver de travailler plus pour consommer plus, c’était rêver d’une vie de confort, ce n’était pas un acte politique, c’était, et on est là au comble du paradoxe, un acte éminemment individualiste.
Aujourd’hui, les Français mécontents reprochent à Sarkozy de ne pas avoir augmenté le pouvoir d’achat, non pas de virer par milliers de pauvres sans-papiers, non pas d’insulter les gens lors de ses sorties, non pas ses étranges magouilles avec la Chine, avec Bush ou encore avec Khadafi, non pas de croire que le suicide, l’homosexualité, la délinquance sont des phénomènes génétiques, non pas de fricoter avec cette vilaine (oui elle m’a blessé cette dame!) Christine Boutin qui a soutenu que " toutes les civilisations qui ont reconnu et justifié l’homosexualité comme un mode de vie normal ont connu la décadence " et dont les amis, lors de la manifestation anti-PaCS du 31 janvier 1999, ont réclamé que l’on envoie "les pédés au bûcher », non ! Non car beaucoup s’en fichent du moment où ils peuvent consommer plus . L’Etat ne fait plus de politique, avec Sarkozy, l’Etat répond à la libido sentiendi du peuple français, à son désir sensuel au sens large; le président de tous les Français ne se veut pas le représentant de la volonté commune (de tous, pour tous, en vue de tous) mais le père ramenant les vivres pour se nourrir, ramenant des cadeaux, travaillant pour la satisfaction des désirs de chacun (et non de tous puisque quand on tente de satisfaire les intérêts particuliers, on démantèle l’idée de nation, de communauté et l’on ne vise plus l’intérêt général qui, aux termes de sa satisfaction , permet le plein épanouissement de tous, mais l’on se contente de satisfaire les désirs immédiats, bas, ceux érigés en maîtres par le principe d’individuation et la libido).
Mr Sarkozy n’est pas le coupable, il est le symptôme d’une société qui se désagrège, d’une société proprement libérale où chaque individu pense à soi en dépit des autres et non plus à soi en compagnie des autres ; Mr Sarkozy est le symptôme du dépérissement de la démocratie de type représentatif, qui à son terme s’achève toujours en un repli individualiste et en la mort du politique. Déjà Rousseau, dans Le Contrat Social III,15 craignait que la démocratie parlementaire de type représentatif conduise à un repli individualiste : « Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’Etat est près de sa ruine. (…) faut-il aller au conseil ? ils nomment des députés et restent chez eux. A force de paresse et d’argent ils ont enfin des soldats pour asservir la patrie et des représentants pour la vendre. C’est le tracas du commerce et des arts, c’est l’avide intérêt du gain, c’est la mollesse et l’amour des commodités, qui changent les services personnels en argent. (…) Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’Etat: que m’importe ? on doit compter que l’Etat est perdu. » En délégant le pouvoir souverain et politique à des représentants, les citoyens ont vidé de leurs sens les notions mêmes de politique et de volonté générale.
Entre 1835 et 1840 déjà, Alexis de Tocqueville pensait la possible transformation de la démocratie représentative républicaine en un nouveau type de despotisme ; dans De la démocratie en Amérique II, IV, VI, il révélait que le danger provient de la passion de l’idéologie démocratique pour l’égalité, qui exacerbe le souci du bien-être et permet le repli de l’individu sur lui-même et sur ses petits désirs égoïstes au détriment de son engagement dans les affaires politiques et publiques et en dépit de sa propre liberté. L’égalité constitue le socle de la liberté personnelle, mais l’égalitarisme abusif uniformise les individus, leurs désirs, leurs attentes, et rien n’est moins difficile, dans ce cas, que de les satisfaire, de les endormir en les satisfaisant. Un nouveau despotisme est alors possible, celui qui endort en donnant. Il écrit à ce propos : « je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres (…). Au dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. » Il travaille à leur bonheur, lui seul ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit leurs besoins, « règle leurs successions, divise leurs héritages ». C’est ainsi qu’il rend moins utile l’usage de la pensée, de la faculté de prévoir, et surtout l’usage de sa liberté ; c’est ainsi qu’il infantilise chacun pour mieux détruire la liberté de tous, car « il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige » . Tocqueville ne faisait là que prévoir les conséquences néfastes de l’établissement de la démocratie représentative républicaine ; il a fait là un travail de devin ; car son scénario catastrophe, c’est nous !